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Modernisation du cadre législatif de la copropriété - une réforme d’envergure toujours en attente de règlements

Condoliaison

LA COPROPRIÉTÉ représente un actif immobilier important dont il faut prendre soin pour en assurer la pérennité. Les changements législatifs proposés par le projet de loi 16, Loi visant principalement l’encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l’amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d’habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, ont et auront des répercussions considérables, notamment pour les syndicats, les gestionnaires et les copropriétaires, les promoteurs, les futurs acheteurs et même les assureurs.

Lors du dépôt du projet de loi 16 en avril 2019, visant à réformer en profondeur le droit de la copropriété divise, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation soulignait, par voie de communiqué, que le souhait du gouvernement était de « préserver de façon durable le parc immobilier des copropriétés divises, en améliorer le fonctionnement et mieux protéger les acheteurs d’unités neuves ou existantes ».

Cependant, plus de deux ans après le dépôt du projet de loi et malgré la volonté politique, le statu quo demeure. S’il a été adopté à l’Assemblée nationale en décembre 2019, et que plusieurs dispositions sont en vigueur depuis le 10 janvier 2020, les règlements qui doivent préciser les modalités et les dates d’entrée en vigueur de certaines autres nouvelles dispositions législatives sont encore à définir – bien qu’il soit grand temps de les voir prendre effet. Malheureusement, cet entre-deux peut contribuer actuellement à créer un climat d’incertitude, tant pour le marché que pour l’industrie... Rappelons que cette mise à jour législative est attendue depuis plusieurs années; la dernière réforme législative d’envergure en la matière remontant à 1994.

En attendant la publication des règlements manquants afin de mener à bien cette réforme tant attendue, Condoliaison vous propose une revue des dispositions du projet de loi 16, en vigueur et à venir.

 

ÉTUDE DU FONDS DE PRÉVOYANCE ET CARNET D’ENTRETIEN

Parmi les nouvelles dispositions, l’élément fort du projet réside en l’obligation de faire réaliser une étude du fonds de prévoyance et un carnet d’entretien, lesquels ont un impact direct sur la santé financière des copropriétés. C’est la mesure qui affectera le plus le portefeuille des copropriétaires. Cette obligation permettra notamment de renforcer l’entretien des copropriétés divises, de protéger le patrimoine bâti en copropriété et de favoriser une saine gestion du parc immobilier, de même que l’investissement financier des copropriétaires.

Ainsi, afin d’établir un plan de financement à court, moyen et long terme, l’objectif du fonds vise à obliger les syndicats de copropriétaires à se doter d’un fonds de prévoyance suffisant qui servira à réaliser les travaux majeurs dans une copropriété, ainsi qu’à effectuer des réparations ou des remplacements des parties communes qui ont atteint leur durée de vie utile (toit, fenêtres, revêtement, etc.). Cet élément essentiel pour une copropriété préci sera ce que le syndicat devra percevoir, sur une base annuelle, afin de s’assurer que le fonds de prévoyance est suffisant, et d’éviter d’avoir à imposer des contributions extraor dinaires aux copropriétaires. L’étude permet d’effectuer les bons calculs afin de mettre de côté les montants appropriés.

Il est essentiel de procéder à un inventaire aussi complet que possible des composantes des parties communes afin de déterminer quelles composantes du bâtiment sont cou vertes par l’étude du fonds de prévoyance et le carnet d’entretien. Chaque partie du bâtiment qui devra éventuellement être rempla cée ou entretenue sera identifiée par un expert sur place par une inspection visuelle des parties communes ainsi qu’à l’aide des plans et des spécifications disponibles. Cet inventaire inclut, entre autres : la fondation de l’immeuble, la toiture et le stationnement, l’enveloppe du bâtiment, l’ensemble des finis intérieurs des parties communes, les systèmes mécaniques et électriques et les systèmes de sécurité incendie.

Concernant le fonds de prévoyance, les principales mesures, telles que définies à l’article 1071 C.c.Q. modifié par l’article 39 du projet de loi 16, sont les suivantes :

« Le conseil d’administration d’une copropriété a l’obligation de faire effectuer une étude du fonds de prévoyance, tous les cinq ans, établissant les sommes nécessaires pour que ce fonds soit suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et de remplacement des parties communes. L’utilisation du fonds, en partie liquide, disponible à court terme et dont le capital est garanti, sera déterminée par le conseil d’administration.

« Les cotisations au fonds de prévoyance sont fixées sur la base des recommandations formulées à l’étude du fonds de prévoyance et en tenant compte de l’évolution de la copropriété.

« Toute étude devra être réalisée conformé ment aux normes établies par un règlement du gouvernement du Québec, lequel désigne notamment les ordres professionnels dont les membres sont habilités à faire ces études. »

Le carnet d’entretien, quant à lui, est un registre de l’historique du bâtiment ainsi que des interventions déjà effectuées ou à effectuer sur le bâtiment. C’est un document à caractère technique dans lequel doivent être détaillés les travaux d’entretien nécessaires au maintien du bon état du bâtiment. Il doit également permettre de répertorier les travaux effectués afin de pouvoir en faire le suivi. Il s’agit en quelque sorte d’un mode d’emploi du bâtiment, qui fixe la norme en matière de planification et d’entretien du patrimoine bâti. Ce document stratégique devrait inclure l’année au cours de laquelle des travaux majeurs ont été effectués sur le bâtiment, ainsi que les manuels d’entretien des équipements, systèmes et composants du bâtiment. Il devrait également énumérer les références aux contrats de maintenance et d’entretien des équipements communs, ainsi que la date d’expiration associée à ces contrats.

Ainsi, l’article 1070.2 C.c.Q., un nouvel article introduit par l’article 38 du projet de loi 16, indique que « le conseil d’administration fait établir un carnet d’entretien de l’immeuble, lequel décrit notamment les entretiens faits et à faire. Il tient ce carnet à jour et le fait réviser périodiquement. La forme, le contenu et les modalités de tenue et de révision du carnet d’entretien, de même que les personnes qui peu vent l’établir et le réviser, sont déterminés par règlement du gouvernement ».

À noter donc que le contenu, la forme et les intervenants qui pourront produire les études et les carnets d’entretien demeurent à être précisés par règlement du gouvernement.

Dans le cas des copropriétés neuves, la loi prévoit que le promoteur d’une copropriété devra fournir le carnet d’entretien et l’étude du fonds de prévoyance au syndicat dans un délai de six mois après la tenue de l’assemblée extraordinaire prévue à l’article 1104 C.c.Q.

L’étude du fonds de prévoyance et le carnet d’entretien seront obligatoires, mais la date de leur mise en œuvre n’est pas encore connue. Néanmoins, des mesures transitoires sont prévues. Le projet de loi prévoit donc, pour les copropriétés établies avant l’entrée en vigueur de la loi, que les obligations devront être prises en compte au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur du premier règlement pris en appli cation de ces articles.

Pour les copropriétés établies après l’entrée en vigueur de la loi, ces obligations seront appliquées au moment de l’entrée en vigueur du premier règlement pris en application de ces articles.

 

ATTESTATION DU SYNDICAT SUR L’ÉTAT DE LA COPROPRIÉTÉ

L’attestation du syndicat sur l’état de la copropriété fait partie des documents légaux à fournir pour la vente de tout bien en copropriété et présente un intérêt non négligeable : elle vise à mieux protéger les acheteurs d’unités neuves ou existantes. Il s’agit d’un document préparé par le syndicat des copropriétaires et qu’un copropriétaire devra remettre à un futur acheteur lorsqu’il met en vente son unité et devrait permettre à ce dernier d’avoir accès à certains renseignements et documents pour bien analyser la situation de la copropriété.

Ce modèle s’inspire étroitement de celui de l’Ontario, où les personnes qui soumettent une promesse d’achat reçoivent ce que l’on appelle un « certificat de statut » (status certificate), un document qui témoigne de la bonne situation de la copropriété, sur le plan tant des finances que de l’immeuble. Il simplifie à la fois le travail du promettant acheteur et standardise les pratiques des syndicats.

Ainsi, l’article 1068.1 C.c.Q., introduit par l’article 35 du projet de loi 16, prévoit que « celui qui vend une fraction doit, en temps utile, remettre au promettant acheteur une attestation du syndicat sur l’état de la copropriété, dont la forme et le contenu sont déterminés par règlement du gouvernement. À cette fin, le syndicat remet dans un délai de 15 jours l’attestation au copropriétaire qui en fait la demande ». C’est au conseil d’administration que reviendra la charge de préparer ou faire préparer une attestation du syndicat sur l’état de la copropriété.

La forme et le contenu de cette attestation seront définis par règlement du gouvernement, lequel reste à être adopté.

Le nouvel article 1068.2 C.c.Q., quant à lui, introduit par l’article 35 du projet de loi, est en vigueur depuis le 10 janvier 2020. Il stipule entre autres que « celui qui promet d’acheter une fraction peut demander au syndicat qu’il lui fournisse les documents ou renseignements concernant l’immeuble et le syndicat qui sont de nature à lui permettre de donner un consentement éclairé. Le syndicat est tenu, sous réserve des dispositions relatives à la protection de la vie privée, de les fournir avec diligence au promettant acheteur, aux frais de celui-ci ». Aucun montant n’est prévu dans le projet de loi, mais il convient de rester raisonnable et proportionnel aux informations demandées.

Le syndicat doit aussi transmettre les documents, ou renseignements qu’il a fournis au promettant acheteur, au propriétaire de la fraction ou à ses mandataires. Le syndicat aura l’obligation de tenirà jour ces attestations.


AUTRES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES

En plus des mesures précédentes, qui demeurent à être précisées par règlement du gouvernement, le projet de loi 16 a introduit plusieurs nouvelles dispositions, en vigueur depuis le 10 janvier 2020, touchant notamment les obligations du conseil d’administration, les obligations du promoteur, la déclaration de copropriété, le registre de copropriété et les assemblées de copropriétaires.


Obligations du conseil d’administration

  • Transmission des procès-verbaux et des résolutions

Favorisant davantage la transparence dans les copropriétés, les articles 1086.1 et 1102.1 précisent que le conseil d’administration doit transmettre aux copropriétaires ses décisions (procès-verba ou toute résolution) dans les 30 jours de la réunion ou de l’adoption de la résolution. Cette obligation s’applique tant aux réunions et décisions du conseil d’administration qu’à celles de l’assemblée des copropriétaires.

  • Cotisation spéciale

Selon l’article 1072.1, le conseil d’administration doit consulter l’assemblée des copropriétaires avant de décider de toute contribution spéciale aux charges communes ou d’hypothéquer les créances du syndicat.

À noter que cette mesure vise à informer les copropriétaires; il s’agit d’une consultation seulement, car la décision n’est pas soumise au vote des copropriétaires.

Obligations du promoteur

  • Plans et devis

Les promoteurs sont désormais obligés de fournir tous les plans et de vis disponibles, dont ceux liés aux modifications substantielles apportées à l’immeuble, ainsi que les certificats de localisation au syndicat d’une copropriété divise.

Ainsi, en vertu de l’article 1083.1 (C.c.Q.), introduit par l’article 44 du projet de loi 16, « le syndicat peut, à ses frais, obtenir les plans et devis de l’immeuble détenus par un architecte ou un ingénieur; celui-ci est tenu de les fournir au syndicat sur demande ».

Cette mesure permet aux syndicats qui ne disposent pas des plans et devis de leur immeuble de les obtenir et de compléter ainsi le registre de la copropriété.

  • Protection des acomptes versés par les acheteurs

Le projet de loi 16 a introduit des dispositions afin d’assurer la protection des acomptes versés par les acheteurs résidentiels aux promoteurs et aux constructeurs de copropriétés divises. Il prévoit plusieurs moyens comme un plan de garantie, une assurance, un cautionnement ou un dépôt dans un compte en fidéicommis.

Les principales mesures, telles que définies à l’article 1791.1 C.c.Q. modifié par l’article 66 du projet de loi 16, sont les suivantes :

« Malgré toute convention contraire, tout acompte versé à un constructeur ou à un promoteur en vue de l’achat d’une fraction de copropriété divise doit être protégé entièrement par un ou plusieurs des moyens suivants : un plan de garantie, une assurance, un cautionnement ou un dépôt dans un compte en fidéicommis d’un membre d’un ordre professionnel selon les conditions et modalités déterminées par règlement du gouvernement.

« L’acompte peut également être protégé par un autre moyen prévu par règlement du gouvernement selon les conditions et modalités qu’il détermine.

« L’acompte est remis à celui qui l’a versé si la fraction de copropriété n’est pas délivrée à la date convenue selon les conditions et modalités déterminées par règlement du gouvernement. »

Déclaration de copropriété

  • Modifications au règlement de l’immeuble

Le projet de loi 16 indique très clairement que les modifications apportées au règlement de l’immeuble « doivent l’être de manière expresse, dans un procès-verbal ou une résolution écrite des copropriétaires, et il suffit qu’elles soient déposées au registre tenu par le syndicat conformément à l’article 1070 » (art. 1060 C.c.Q.)

  • Clause pénale

Une clause pénale est une disposition qui permet au syndicat de copropriétaires d’imputer à un copropriétaire des pénalités, ou amendes, quand il ne respecte pas les règles imposées dans la copropriété.

L’article 1053 prévoit que les clauses pénales doivent être intégrées à l’acte constitutif de copropriété. La conséquence principale de ce changement est qu’il faudra dorénavant faire adopter ces modifications par le biais de l’article 1097. Les clauses pénales existant dans le règlement de l’immeuble avant l’entrée en vigueur de cette mesure sont considérées comme faisant partie de l’acte de propriété, sans qu’il soit nécessaire de modifier la déclaration de copropriété.

  • Répartition des charges liées aux parties communes à usage restreint

La répartition des charges communes en copropriété, qui sert à pour voir, entre autres, à l’entretien et à l’administration des parties communes, s’effectue entre les copropriétaires, en fonction de la valeur relative des fractions de chacun d’eux.

La loi a clarifié les règles concernant les contributions des copropriétaires aux parties communes restreintes. Elle a harmonisé la terminologie utilisée dans le Code civil du Québec en matière de charges communes et a clarifié certaines difficultés d’interprétation.

Maintenant, selon la loi (art. 1064.) : « Les copropriétaires qui ont l’usage des parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges liées à l’entretien et aux réparations courantes de ces parties. La déclaration de copropriété peut prévoir une répartition différente de la contribution des copropriétaires aux charges relatives aux réparations majeures aux parties communes à usage restreint et au remplacement de ces parties. »

Il y a maintenant une distinction entre l’entretien et les réparations courantes, et les réparations majeures et le remplacement. À noter que les copropriétaires qui ont l’usage de ces parties communes doivent s’en occuper et en assumer les coûts.

Registre de copropriété

  • Contenu du registre de la copropriété

Le projet de loi 16 (art. 1070) est venu préciser le contenu du registre de la copropriété, accessible aux copropriétaires.

On doit ainsi y trouver :

  • Les noms et adresses postales de chaque copropriétaire (d’autres renseignements personnels peuvent y figurer si le copropriétaire y a consenti expressément);
  • Les procès-verbaux des assemblées de copropriétaires et du conseil d’administration;
  • Les résolutions écrites;
  • Le règlement de l’immeuble et ses modifications;
  • Les états financiers;
  • La déclaration de copropriété;
  • Les copies de contrats auxquels le syndicat est partie;
  • Une copie du plan cadastral;
  • Les plans et devis de l’immeuble bâti ainsi que les certificats de localisation de l’immeuble s’ils sont disponibles;
  • Le carnet d’entretien;
  • L’étude du fonds de prévoyance;
  • La description des parties privatives;
  • Tous autres documents et renseignements relatifs à l’immeuble et au syndicat ou prévus par règlement du gouvernement.

Il est également requis que les administrateurs déposent l’étude du fonds de prévoyance et le carnet d’entretien au registre dans les 60 jours suivant leur obtention.

  • Accès au registre de la copropriété

Selon l’article 1070, la loi vient garantir l’accès des copropriétaires au registre. Il est possible de le consulter ainsi que les documents tenus à la disposition des copropriétaires en présence d’un administrateur ou d’une personne désignée à cette fin par le conseil d’administration, à des heures normales et de la manière prévue par le règlement de l’immeuble. En contrepartie de frais, chaque copropriétaire a le droit d’obtenir une copie du contenu du registre et de ces documents.

Assemblées de copropriétaires

La loi contient aussi diverses mesures concernant le fonctionnement de la copropriété et modifie certaines règles applicables lors d’une assemblée des copropriétaires.

Au sujet du vote, la loi précise que les copropriétaires qui ne sont ni présents ni représ entés aux assemblées générales ne pourront plus bloquer l’adoption des résolutions.

En vertu de l’article 1090, l’indivisaire d’une fraction absent à une assemblée est présumé avoir donné mandat de le représenter aux autres indivisaires, à moins qu’il n’ait, par écrit, donné mandat à un tiers à cette fin ou indiqué son refus d’être représenté. Son droit de vote est réparti proportionnellement aux droits des autres indivisaires.

Tout copropriétaire qui a été privé de son droit de vote parce qu’il n’a pas payé sa part des charges communes depuis plus de trois mois peut l’exercer à nouveau dès qu’il paie toutes les charges communes dues (art. 1094). Un copropriétaire qui n’a pas acquitté sa quote-part des charges communes depuis plus de trois mois ne peut non plus faire partie du conseil d’administration.

De plus, si le nombre de voix d’un copropriétaire ou d’un promoteur est réduit, ou s’il est privé de son droit de vote, le total des voix des copropriétaires est réduit en conséquence (art. 1099). Le fait d’avoir un seul groupe de votes, quel que soit le type de décision, constitue une simplification des règles actuelles et facilite le dépouillement des votes.

 

Condoliaison 23-3 Automne 2022