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Projet de loi 16 : Le fonds de prévoyance assorti d'un carnet d'entretien

Autopsie d'un sous-financement chronique

L’étude du fonds de prévoyance et le carnet d’entretien sont au cœur du projet de loi 16, qui réformera la loi sur la copropriété québécoise.

Le RGCQ en a exposé les grandes lignes en commission parlementaire le 7 mai dernier, par l’entremise de Réjean Touchette, membre du CA du RGCQ Montréal et grand spécialiste de la question.

Regard sur un concept qui permettra à la copropriété québécoise d’assurer sa pérennité.

Les syndicats de copropriétaires qui souffrent d’un sous-financement chronique du fonds de prévoyance sont légion. Ce constat a des répercussions directes sur l’entretien et la conservation de leur immeuble. Bien souvent, les travaux majeurs qui auraient dû y être faits sont reportés aux calendes grecques, car les états financiers sont dans le rouge. Pourquoi? Parce que certaines copropriétés sont administrées à la « petite semaine ». Leurs préoccupations pécuniaires se limitent à la gestion courante du bien collectif. Rien n’a été prévu, ou presque, afin que le patrimoine bâti puisse vieillir en beauté.

Pour enrayer cette absence de vision qui rend plusieurs copropriétés malades, le gouvernement a décidé d’appliquer le remède approprié. En clair, il obligera les syndicats de copropriétaires à se doter d’une étude du fonds de prévoyance et d’un carnet d’entretien, qui devront être produits par un professionnel du bâtiment (architecte, ingénieur ou technologue professionnel). Il faut dire que ces nouvelles dispositions législatives, tout comme d’autres qui font partie du projet de loi 16, sont attribuables en grande partie au RGCQ, qui a maintenu le bouton d’alarme enfoncé en permanence depuis 20 ans, afin que les choses évoluent dans le bon sens.

 

Deux indissociables

Le fonds de prévoyance et le carnet d’entretien sont intimement liés. Le premier doit être suffisant, ce qui implique la réalisation d’une étude pour savoir combien y investir annuellement. Le second est sa consé quence directe. Pendant toute la vie d’une copropriété, ils seront interdépendants, par le fait d’un carnet évolutif dans le temps. Cela per mettra une modulation des sommes versées annuellement au fonds de prévoyance, et ce, tous les cinq ans.

À titre d’exemple, certaines composantes dont l’entretien est financé par le fonds des opérations courantes pourraient, éventuellement, nécessiter des travaux majeurs, lesquels seraient dès lors pris en charge par le fonds de prévoyance. « Si le carnet d’entretien révèle qu’un ascenseur tombe en panne tous les deux mois, nécessitant chaque fois des frais d’entretien, c’est qu’il est probablement devenu vieillissant. Des travaux majeurs seraient donc requis pour le remettre à niveau, voire le remplacer », détaille Réjean Touchette, qui est également technologue professionnel.

 

Attestation physique et financière

Le carnet d’entretien et le fonds de prévoyance s’alimenteront mutuellement. Mais pour que ces deux documents soient viables, les fréquences d’entretien et de réparation indiquées devront être suivies à la lettre. Cette rigueur permettra aux équipements d’aller jusqu’au bout de leur durée de vie utile, afin d’éviter leur usure et un rempla cement prématurés. Au final, ils feront office d’attestation physique et financière d’une copropriété. Cette attestation sera fort utile lors d’une transaction immobilière en copropriété, car les éventuels acheteurs pourront s’y référer, afin d’obtenir une « photographie » d’ensemble des lieux convoités.

Tout cela sera rendu possible grâce à l’ajout de l’article 1068.1 au Code civil du Québec, qui prévoira ce qui suit : « Celui qui vend une fraction doit, en temps utile, remettre au promettant acheteur une attestation du syndicat sur l’état de la copropriété, dont la forme et le contenu sont déterminés par règlement du gouvernement. » En outre, l’article 1068.2 stipulera (entre autres) que : « Celui qui promet d’acheter une fraction peut demander au syndicat qu’il lui fournisse les documents ou renseignements concernant l’immeuble et le syndicat qui sont de nature à lui permettre de donner un consentement éclairé. Le syndicat est tenu, sous réserve des dispositions relatives à la protection de la vie privée, de les fournir avec diligence au promettant acheteur, aux frais de celui-ci. Le syndicat doit transmettre au propriétaire de la fraction ou à ses ayants cause les documents ou renseignements qu’il a fournis au promettant acheteur. »

 

Qu'est-ce qu'une étude du fonds de prévoyance?

L’étude du fonds de prévoyance comporte trois éléments :

  • Un certificat d'état d'immeuble

Qui comprend l’inventaire de ses composantes (parties communes); l’historique des interventions dont elles ont fait l’objet; une analyse de l’état des parties communes inventoriées, leur localisation, une planification quant à leur entretien, les réparations majeures et le remplacement dont elles doivent faire l’objet.

  • Un plan de maintien de l'actif

Qui précise la liste des activités requises pour conserver (en bon état) les parties communes inventoriées; le budget requis pour mener à bien ces activités, ainsi qu’une planification pour réaliser les travaux nécessaires. Ce plan doit considérer les interventions qui exigent un financement pluriannuel, même s’il ne provient pas forcément du fonds de prévoyance.

  • Une stratégie de financement

Qui se penchera sur la façon de cumuler les sommes d’argent nécessaires, afin d’assurer l’entretien et la conservation du patrimoine bâti. Ce calcul tiendra compte des besoins précisés dans le plan de maintien de l’actif; des montants d’argent disponibles pendant la production de l’étude du fonds de prévoyance; des cotisations actuelles aux charges communes (frais de condo), ainsi que de la stratégie de placement comportant les périodes de rattrapage financier d’une copropriété, qui pourraient s’échelonner sur une période allant jusqu’à 10 ans.

 

Qu'est qu'un carnet d'entretien?

Le carnet d’entretien comprend une section appelée « Archives » qui énumère les composantes d’un immeuble, par exemple le système de ventilation, la piscine, la fenestration et la toiture, et détaille les fréquences d’entretien et de réparations à y faire. Une seconde partie précise les activités qui ont été accomplies (en matière d’entretien et de réparation) dans l’immeuble, celles qui sont en cours et d’autres à venir. Ce carnet doit comprendre les manuels d’entretien détaillés des équipements, des systèmes et des composantes du bâtiment, ainsi que leur garantie contractuelle.

Rappelons que le carnet d’entretien agit comme un aide-mémoire, afin qu’une copropriété sache quels entretiens ou travaux ont été faits dans le temps. Ainsi, lorsque le conseil d’administration change de main, les nouveaux venus peuvent s’y référer, afin d’éviter les doublons.

Le gouvernement a prévu un délai raisonnable aux syndicats de copropriétaires, afin que tous puissent produire une étude du fonds de prévoyance et un carnet d’entretien.

 

Un palliatif à l'inspection préachat

L’inspection préachat d’un condo implique tout l’immeuble qui l’abrite. Une telle opération s’avère difficile, voire impossible, étant donné les implications financières colossales qui en découlent. On imagine mal procéder à cet exercice dans une tour comprenant 20 étages. En revanche, cette attestation se voudra un document synthèse, lequel évitera à un éventuel acheteur de se farcir tout le registre d’une copropriété. Elle indiquera non seulement quels sont les travaux et entretiens à faire, le cas échéant, mais également si le budget annuel et le fonds de prévoyance sont suffisants pour les réaliser. Dans la négative, un acheteur pourra négocier le prix de vente à la baisse.

Pour tout dire, le projet de loi 16 ratisse très large avec l’étude du fonds de prévoyance et le carnet d’entretien, qui représentent deux documents phares et indispensables à toute copropriété bien gérée. Dans un spectre plus large, cette nouvelle mouture législative fournira les outils nécessaires aux syndicats de copropriétaires, afin qu’à moyen et long terme, ils puissent assurer leur avenir financier dans un cadre à la fois logique et rationnel. Pour toutes ces raisons, la copropriété québécoise ne s’en portera que mieux.

Condoliaison Vol.20 No4