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Les grandes entrevues

Juin 2021 - Vol. 22-2

04/06/2021
Les grandes entrevues

L’AVOCAT QUI PLAIDE LE GROS BON SENS


Juriste engagé qui court plus vite que son ombre, l’avocat Michel Paradis a un penchant pour les bonnes causes.


PAR FRANÇOIS G. CELLIER


Son nom résonne depuis quelques décennies, déjà, dans l’enceinte du droit de la copropriété. Et pour les bonnes raisons. Portrait d’un personnage dont la pensée émane d’une réflexion profonde.


Apparu dans le giron du RGCQ il y a une dizaine d’années, après la disparition de l’Association des syndicats de copropriétaires du Québec (ASCQ) – dont il fut l’un des membres fondateurs – Michel Paradis a ensuite fondé le RGCQ région de Québec. Il y assume la présidence depuis les tout débuts, en 2010. Nicole Veillette est une de ses alliées indéfectibles, tandis que feu Gilles Savoie était à ses côtés jusqu’à son décès, il y a trois ans.


On ne saurait oublier d’autres fidèles soldats issus de la défunte ASCQ. Parti de rien du tout, le chapitre de Québec compte (aujourd’hui) 11 bénévoles, 500 membres réguliers et 60 membres corporatifs.


TROIS DES PLUS GRANDS JURISTES


Le RGCQ compte, dans ses rangs, trois des juristes les plus en vue dans le domaine du droit de la copropriété, soit Michel Paradis, Yves Papineau et Yves Joli-Coeur. « Nous cumulons, chacun, une expérience (sur le terrain) qui s’échelonne sur plus ou moins 30 ans. Au Québec, peu d’avocats peuvent en dire autant dans ce champ de pratique. Cela dit, il faudra assurer la relève », lance Michel Paradis. Il fait notamment référence à l’avocate Julie Banville, responsable du département du droit de la copropriété au cabinet Therrien Couture Joli-Coeur, dont ils sont tous deux associés.


Cela dit, derrière l’image hollywoodienne des avocats flamboyants, qui détonnent au tribunal par des envolées lyriques, leur portrait est beaucoup plus modeste dans la vraie vie. En fait, on ne mesure pas les compétences d’un juriste au nombre de causes qu’il a gagnées. Quarante ans de carrière peuvent être anéantis par un seul dossier épineux. Un avocat doit, chaque jour, travailler à préserver sa réputation. Ce que la clientèle raconte sur lui contribue à façonner son image. Le défi est énorme en cette matière. Tous les détails comptent, par exemple le respect des délais, au regard du temps de réponse aux questions posées par un client, ainsi que la recherche de la vérité, rien que la vérité, pour bien défendre un dossier. Il arrive que des clients ne disent pas tout à leur avocat, voire cachent des éléments qui pourraient avoir une incidence lors d’un procès.


De son propre aveu, ce juriste a davantage l’impression d’être un sprinteur qu’un marathonien. En copropriété, les personnes sont nombreuses à requérir les services d’un conseiller juridique, raison pour laquelle consacrer tout son temps à un même client est pratiquement impossible. Il faut résoudre les problèmes rapidement pour ensuite passer aux suivants.


DÉMÉNAGER


Comment est-il perçu par sa clientèle? Comme un collègue administrateur investi d’un savoir sur le plan légal. Mais son attitude n’est pas celle d’une personne suffisante qui se place au-dessus des autres. Il se met plutôt dans la peau des administrateurs, donne des conseils avisés et propose les bonnes actions à prendre. Il a même déjà suggéré à certains copropriétaires de déménager. Plusieurs d’entre eux l’en ont remercié, car quitter la copropriété qu’ils habitaient aura été leur meilleure décision à vie.


La réputation des condos a été mise à mal au cours des dernières années. Pour Michel Paradis, cela ne fait aucun doute, que ce soit à Montréal, à Québec ou ailleurs. Question : est-ce que la vie en copropriété est toujours aussi attrayante? Ce concept d’habitation collective a encore la cote dans la métropole, mais à Québec, la situation est tout autre. Il faut dire que plusieurs acquéreurs ont été « déçus » dans cette région, et la nouvelle s’est vite propagée.


CONDOS LOUÉS


« À Québec, ceux qui vendent leur maison optent, de plus en plus, pour un condo loué haut de gamme. À l’inverse, plusieurs copropriétaires retournent dans une maison ou choisissent, eux aussi, l’option d’un appartement luxueux. Il n’y a plus grand monde qui achète un condo dans la Vieille Capitale », observe Michel Paradis, qui est originaire de Québec.


Cette cote à la baisse est le fait d’un constat navrant, à savoir les comportements improductifs en copropriété, plus particulièrement au sein des petits immeubles. Les relations y sont parfois tendues et difficiles entre les copropriétaires. Ce voisinage toxique dégénère bien souvent en conflits qui s’éternisent. « Les courriels interminables, les insultes et les engueulades minent la vie résidentielle en collectivité. Ne plus pouvoir se parler, ne serait-ce que pour remplacer une ampoule dans une partie commune est désolant », nous dit Michel Paradis. En clair, chaque copropriété loge un « emmerdeur de service » qui sème parfois la zizanie, pourrait-on dire ironiquement. Mais heureusement, la majorité silencieuse est guidée par la raison.


RAISONNABLES OU MÉDIOCRES


Et que dire de la médiocrité triomphante en copropriété? À savoir celle qui consiste, notamment, à dénigrer les bons administrateurs qui dépenseraient trop. Agir comme des personnes responsables leur vaut des reproches formulés par plusieurs copropriétaires, qui sont favorables aux charges communes (frais de condo) dérisoires. « Je dirais que les médiocres sont plus éloquents à faire valoir leur médiocrité, que les personnes raisonnables le sont pour justifier leur sagesse. En d’autres termes, les gens raisonnables savent qu’ils perdront leur temps à expliquer le gros bon sens aux médiocres », pense Michel Paradis.


PRÉSENCE ACCRUE


Somme toute, les avocats n’ont pas trop souffert du coronavirus. On pourrait même dire que leur rôle s’est apprécié à la hausse, en raison de cette pandémie. Les gens ont plus que jamais besoin d’information sur le plan légal. Sans oublier les assemblées de copropriétaires à distance (virtuelles) ou en mode hybride, auxquelles plusieurs juristes ont assisté, notamment en tant que présidents. La COVID-19 a eu plusieurs effets pervers, car bien des copropriétaires se retrouvent confinés chez eux à épier leurs voisins, si bien que les problèmes liés à la cohabitation se multiplient. En revanche, elle a favorisé le développement de technologies naguère peu utilisées.


Malgré les imperfections propres à la copropriété divise, l’adoption des projets de loi 141, 16 et 41 lui permettra une réinitialisation, jusqu’à un certain point, afin qu’elle puisse se ressaisir. Malgré les problèmes d’assurance vécus par plusieurs syndicats de copropriétaires, dont la gravité est croissante, on peut espérer des jours meilleurs.


« Il le faudra, car la copropriété est un patrimoine immobilier dominant. Non seulement au Québec, mais partout ailleurs dans le monde, où la folie furieuse pour la formule condo est désormais bien consommée », conclut Michel Paradis.


L’avocat Michel Paradis est associé au cabinet Therrien Couture Joli-Coeur. Il est le seul avocat à avoir siégé, successivement, au sein du Groupe de travail sur la copropriété et le comité consultatif sur la copropriété. Créées en 2009 et en 2012, ces deux entités avaient comme objectif d’identifier les principaux problèmes vécus en copropriété divise, au Québec, afin d’y apporter les solutions adéquates. Michel Paradis est un des principaux artisans de l’adoption des projets de loi 141, 16 et 41, qui ont réformé l’assurance et plusieurs autres dispositions législatives liées à la copropriété divise. En 2002, il a reçu la Médaille du jubilé de la reine Elizabeth II pour ses engagements sociaux. Et il a été nommé Best Lawyers in Canada en 2011.